C’est une page méconnue, mais essentielle de l’histoire qui a repris vie ce week-end au château d’Amboise, où l’Émir Abdelkader fut retenu captif entre 1848 et 1852.
À l’initiative de l’association Le Cercle de l’Émir Abdelkader, une excursion mémorielle y a été organisée, rendant hommage à cette figure emblématique de la résistance, du dialogue interreligieux et de la spiritualité. Ce lieu chargé de mémoire a ainsi accueilli une journée d’échanges, de transmission et de réflexion, saluée par les participants comme un moment fort de réconciliation entre histoire et conscience collective.
Après une visite guidée retraçant les années de captivité de l’Émir dans l’enceinte du château, un colloque de haut niveau a réuni plusieurs personnalités intellectuelles, spirituelles et politiques pour évoquer les multiples facettes de l’homme d’État, mystique et humaniste qu’il fut. Y ont notamment participé la Princesse Yasmine Murat, Marraine de la Fondation Eugène Napoléon, Karima Berger, écrivaine et auteure de Abdelkader, l’Arabe des Lumières, Boumediène Benyahia, islamologue, Louis Blin, diplomate et auteur de Lamartine et l’Islam, Waciny Laredj, écrivain et auteur de Le Livre de l’Émir, ainsi que Hajj Moqaddam Adelhafid Benchouk, représentant de la voie naqshbandi en France.

Le volet spirituel de la journée a été introduit par Hajj Moqaddam Abdelhafid BENCHOUK. Ce dernier a rappelé que la Naqshbandiyya est une des grandes confréries soufies, fondée sur le dhikr (évocation du divin), la purification intérieure et une discipline rigoureuse, prônant une spiritualité discrète mais ancrée dans le quotidien. Il a également évoqué la tariqa Qadiriyya, autre voie soufie majeure, plus ancienne, fondée par Abdelkader al-Jilani, un érudit né en Perse, connue pour son rayonnement spirituel à travers le monde musulman.
« L’Émir pratiquait sa spiritualité durant son séjour au château et avait été inspiré durant toute sa vie de plusieurs tariqa : la Qadiriyya et la Naqshbandiyya. »
A déclaré à Dzdia, Hajj Benchouk
Par ce témoignage, il a souligné que, même en captivité, l’Émir Abdelkader continuait à nourrir sa vie intérieure, trouvant dans le soufisme la force de la patience, de la dignité et du pardon, autant de qualités qui ont forgé son aura universelle.
Histoire et humanisme : une amitié méconnue
Le colloque a également abordé les relations diplomatiques et humaines entre l’Émir Abdelkader et Napoléon III. Princesse Yasmine Murat, marraine de la Fondation Eugène Napoléon, a partagé une intervention marquante sur l’amitié sincère et respectueuse entre ces deux figures historiques. « C’est une histoire d’humanisme, un échange de respect entre deux hommes d’État. Cette relation mérite d’être enseignée à toutes les générations, car elle porte un message de paix, de dignité et de reconnaissance mutuelle », a-t-elle affirmé.

Une parole libre sur les zones d’ombre
Présente à l’événement, l’ancienne première dame d’Algérie Anissa Boumediene a répondu aux questions de Dzdia sur un éventuel parallèle entre l’Émir Abdelkader et son époux feu le président Houari Boumediene. Sa réponse, nuancée et courageuse, a ouvert le débat : « Il y a une différence entre l’Émir et mon mari que l’honnêteté me pousse à dire. Dans son ouvrage Rappel à l’intelligence, publié en 1853, l’Émir s’opposait à l’alphabétisation des femmes, tandis que Boumediene en a fait un axe fort de sa politique. C’est ce que je reproche à l’Emir Abdelkader »
Un moment de transmission et de fierté
Rafik Temghari, président de l’association Le Cercle de l’Émir Abdelkader, s’est déclaré très satisfait du succès de cette deuxième édition. « On est très content de l’engouement que cette journée crée. Je souhaiterais que cette virée véhicule un message de paix, d’amour et de fraternité »
L’excursion mémorielle au château d’Amboise aura ainsi permis non seulement de raviver l’histoire, mais aussi d’ouvrir un espace de dialogue, de réflexion et de conscience collective. Une initiative appelée à se renouveler pour que la figure de l’Émir, symbole du dialogue entre les cultures, continue d’éclairer le présent.