C’est une sortie qui résonne comme un acte de mémoire. Cinquante ans après avoir décroché la Palme d’or au Festival de Cannes, Chronique des années de braise, chef-d’œuvre du réalisateur algérien Mohamed Lakhdar-Hamina, fait son grand retour sur les écrans français dans une version 4K restaurée le 06 août 2025. Une réédition portée par Les Acacias, distributeur engagé, qui entend rendre justice à un film longtemps resté en marge des hommages que mérite son statut historique et cinématographique.
Cette rétrospective prend une dimension toute particulière : Lakhdar-Hamina s’est éteint en mai dernier, le jour même où Cannes Classics célébrait les 50 ans de son triomphe cannois. Une coïncidence bouleversante, qui donne à cette ressortie un air de transmission symbolique. Car Chronique des années de braise, ce n’est pas simplement du cinéma : c’est un cri d’espoir, un récit de lutte, une fresque humaine et politique enracinée dans l’histoire douloureuse de l’Algérie coloniale.

Une œuvre pionnière et unique
Projeté pour la première fois en 1975, le film remporte la plus haute distinction du festival cannois, devenant — et restant à ce jour — l’unique Palme d’or décernée à un cinéaste algérien, arabe et africain. Avec une mise en scène d’ampleur, une ambition esthétique audacieuse et un propos profondément engagé, Chronique des années de braise impose Lakhdar-Hamina comme une figure majeure du cinéma du Sud, à la croisée des influences soviétiques, hollywoodiennes et maghrébines.
Le film est structuré en six chapitres chronologiques, de L’année de la cendre à L’année du feu, jusqu’à la Toussaint rouge du 1er novembre 1954, point de départ de la guerre d’indépendance algérienne. À travers le parcours d’Ahmed, un modeste paysan contraint à l’exil et à la révolte, et Miloud, un fou visionnaire qui incarne la mémoire collective, le récit raconte les étapes de l’éveil d’un peuple, entre résignation, humiliation et combat.
Une épopée aux accents universels
Loin d’un manichéisme simpliste, le film ne cherche pas à condamner ou glorifier, mais à comprendre. Il montre l’oppression, la dépossession des terres, la déculturation, et l’émergence, lentement mais sûrement, d’une conscience collective prête à briser ses chaînes. Ce n’est pas seulement l’histoire d’un pays, mais celle de toutes les luttes pour la dignité.
À travers sa fresque historique, le cinéaste nous parle de l’âme humaine, de sa capacité à résister, à rêver, à renaître.

On y retrouve les traits caractéristiques de son cinéma : un goût pour les plans larges majestueux, les foules en mouvement, les travellings précis, une direction artistique puissante et un sens du rythme remarquable. La bande originale lyrique signée Philippe Arthuys contribue à la grandeur de l’ensemble.
Un film menacé… puis effacé
Lors de sa projection à Cannes en 1975, Chronique des années de braise suscite autant l’enthousiasme que les tensions. Menacé de mort par des nostalgiques de l’Algérie française, le réalisateur est placé sous protection, tout comme ses enfants. Malgré sa Palme d’or, le film sera rapidement écarté des radars, victime de son audace et d’un désintérêt croissant pour les récits du Tiers-Monde dans l’industrie cinématographique occidentale.

À l’époque, certains critiques lui reprochent son esthétique “trop occidentale”, son ambition “trop hollywoodienne” ou son coût jugé excessif. Mais avec le recul, ces griefs apparaissent bien dérisoires face à la puissance et à la nécessité de l’œuvre. En vérité, Chronique est l’un des rares films capables de faire dialoguer la mémoire et l’émotion, la colère et l’espérance.
Une renaissance sur les écrans
Le film sort au bon moment : à une époque où les débats sur la mémoire coloniale, l’identité et l’histoire sont au cœur de la société, cette œuvre rappelle que le cinéma peut être un pont, une passerelle, une manière de raconter autrement. Elle offre à la jeunesse une lecture cinématographique de l’Histoire, une opportunité de comprendre autrement ce qui a souvent été tus ou caricaturé.
“Nous espérons qu’en ces temps troublés, le cinéma peut encore jouer un rôle pédagogique, “Chronique” est un cri, mais un cri de dignité. Un appel non à la rancœur, mais à la justice.” - Malik Lakhdar-Hamina -
Un héritage à réaffirmer
Redonner sa place à Chronique des années de braise, c’est rendre hommage à tous les récits oubliés. C’est dire que les peuples en lutte ont aussi écrit avec la caméra. C’est enfin honorer un cinéaste qui n’a jamais cessé de croire que le 7e art pouvait éveiller les consciences.
Le 6 août 2025, le public français est invité à redécouvrir un film rare, essentiel et bouleversant. Une œuvre monumentale, un morceau de mémoire, et, plus que jamais, un appel à regarder l’Histoire les yeux grands ouverts.
Les salles concernées
- Paris : MK2 Beaubourg
- Paris : Le Champo
- Sceaux : Le Trianon
- Vincennes : Le Vincennes
- Rouen : Omnia République
- Tours : Le Studio
- Hérouvil le-Saint-Clair : Café des Images
- Orléans : Les Carmes
- Le Mans : Les Cinéastes
- Cherbourg-en-Cotentin : CGR Odéon - Cherbourg
- Strasbourg : Star
- Nancy : Caméo Commanderie
- Mulhouse : Le Palace
- Bordeaux : Utopia Saint-Siméon
- Pessac : Jean Eustache
- Toulouse : American Cosmograph
- La Roche-sur-Yon : Concorde
- Marseille : Les Variétés
- Montpellier : Diagonal Capitole
- Nîmes : Le Sémaphore
- Carcassonne : CGR Colisée - Carcassonne
- Cavaillon : La Cigale