Faire entendre une voix longtemps restée dans l’ombre : c’est le pari de Lila Ould Larbi, écrivaine et dramaturge, qui prépare une adaptation théâtrale inédite de Histoire de ma vie, l’autobiographie bouleversante de Fadhma Aït Mansour Amrouche. Première femme algérienne à avoir livré le récit de son existence par l’écrit, Fadhma reprend vie sur scène dans Fadhma At Mansour, une pièce en cours de création au sein de la coopérative théâtrale Imsdurar de Tizi Ouzou, sous la direction du metteur en scène Belkacem Kaouane.
Cette initiative, née de la parution en 2024 d’un ouvrage adapté du roman original aux éditions Talsa, se veut un hommage vibrant à une femme encore trop peu connue du grand public, souvent confondue à tort avec Lalla Fadhma N’Soumer, et éclipsée par la renommée de sa fille, l’écrivaine et chanteuse Taos Amrouche.

Une voix féminine pionnière, entre douleur et dignité
Dans "Histoire de ma vie", Fadhma Aït Mansour livre sans fard le récit de son parcours : celui d’une femme rejetée par sa propre communauté pour avoir été une fille née hors mariage, déracinée, confrontée aux affres de l’exil, de la pauvreté et du deuil, mais toujours animée par un amour indéfectible pour sa terre et sa dignité. L’auteure y décrit avec précision les violences subies, les injustices sociales et les douleurs maternelles, en particulier celles liées à la perte de ses fils.
Lila Ould Larbi, originaire du village Aït Daoud en Kabylie, a été profondément marquée par cette lecture : « Ce livre vous laisse un chagrin intense au cœur. Il m’a bouleversée, notamment par le courage de cette femme, par son amour maternel et par le silence pesant dans lequel elle a longtemps été reléguée », confie-t-elle.
Quand la littérature prend vie sur scène
La pièce en gestation est portée par la volonté de restituer, avec force et émotion, l’histoire de cette femme à la fois brisée et debout. Pour la dramaturge, le théâtre s’est imposé comme une évidence : « Une image vaut mille mots. La scène permet de transmettre autrement la douleur, la résilience et l’humanité de Fadhma. C’est un moyen puissant de toucher les consciences ».
Avec un engagement artistique affirmé, Lila Ould Larbi a donc entrepris de transformer la douleur intime en une œuvre collective, capable d’interpeller un large public, au-delà des barrières linguistiques et culturelles. La mise en scène est confiée à Belkacem Kaouane, figure respectée du théâtre algérien, déjà salué pour plusieurs créations remarquées au sein d’Imsdurar, comme La tragédie de Massinissa ou Chamaillerie des saisons.
Une mémoire réhabilitée, une inspiration pour aujourd’hui
En adaptant cette autobiographie au théâtre, Lila Ould Larbi poursuit un double objectif : réhabiliter une figure féminine majeure de l’histoire algérienne et rappeler aux nouvelles générations l’importance de la transmission, de la mémoire et du combat pour la liberté.
Elle rappelle d’ailleurs que son travail d’écriture est souvent tourné vers des figures historiques oubliées ou marginalisées, qu’il s’agisse de combattants méconnus, de femmes résistantes ou de drames sociaux tus. « Tous mes écrits sont inspirés par une quête de liberté, en particulier celle des femmes. Fadhma est un symbole de dignité silencieuse. Elle mérite d’être entendue, vue, ressentie », affirme-t-elle.
Une sortie trés attendue
La pièce "Fadhma At Mansour" est actuellement en répétition et devrait voir le jour dans les mois à venir. Elle s’annonce comme un événement théâtral fort, à la croisée de la mémoire, de l’art et du féminisme. L’adaptation contribuera sans doute à replacer Fadhma Aït Mansour au cœur du récit national, là où son courage, son écriture et sa vie entière méritaient d’être reconnus depuis longtemps.