Un souffle épique s’apprête à raviver la mémoire d’un monument de l’histoire algérienne. L’Émir Abdelkader, figure de proue de la résistance contre l’occupation française et modèle universel d’humanisme, sera prochainement au cœur d’un film docu-fiction ambitieux, en phase finale de production. Porté par la passion et la détermination du réalisateur Mohamed Yabdri, ce projet inédit vise à revisiter avec modernité et profondeur la vie de ce héros du XIXe siècle.
Un projet né d’une curiosité… devenue vocation
Installé à Saint-Paul, aux États-Unis, depuis plus d'une décennie, Mohamed Yabdri découvre par hasard une ville américaine portant le nom de l’Émir : Elkader, dans l’Iowa. Intrigué, il décide d’enquêter. Ce qui ne devait être qu’une capsule documentaire se transforme rapidement en un projet cinématographique de grande envergure. « Leur vision du personnage dans ce petit coin du monde m’a bouleversé. Ça m’a donné envie d’aller plus loin », confie le réalisateur.
De fil en aiguille, Yabdri rencontre historiens, penseurs et témoins, dont John Kiser, auteur du livre Commander of the Faithful, qui deviendra une source majeure du scénario. Son immersion dans l’histoire d’Abdelkader l’amène à concevoir une œuvre entre récit historique et création cinématographique.

Le film, d’une durée de 65 à 70 minutes, n’est ni un simple documentaire ni une fiction classique. Il mêle interviews d’experts internationaux, notamment aux États-Unis (Virginie, Massachusetts, Iowa, New York), et scènes de reconstitution historique tournées à Alger, Oran, et dans les studios du Centre algérien de développement du cinéma (CADC). Parmi les lieux emblématiques : le Fort de Santa Cruz et la Villa Abd-el-Tif.
Entièrement scénarisé par Yabdri, le film alterne entre darija du XIXe siècle, arabe standard et français, avec des sous-titres en anglais pour les projections internationales. Un choix linguistique fidèle à la complexité culturelle de l’époque. Le casting réunit notamment Hocine Mustapha dans le rôle-titre, la comédienne Biyouna dans un registre inédit, et Mourad Khan.
L’intrigue du film se concentre sur un moment phare de la vie de l’Émir : l’année 1860, durant laquelle il sauve des milliers de chrétiens à Damas, alors que les tensions confessionnelles menaçaient de sombrer dans un bain de sang. « Il aurait pu ne rien faire. Il a choisi d’agir, d’opposer la justice à la vengeance. Il a défié les siens pour sauver l’autre », explique le réalisateur. Un acte qui fait écho, encore aujourd’hui, à des valeurs de tolérance et de courage moral rares.
Le film revient également sur les combats de l’Émir contre l’occupation française, sa stratégie militaire et sa philosophie spirituelle. Pour les contributeurs américains comme le réalisateur Ron Maxwell et l’anthropologue Afeefa Sayeed, Abdelkader est perçu comme « l’un des plus grands hommes depuis Saladin ».
Autofinancé à hauteur de 50 millions de dinars (environ 330 000 €), le projet est un pari audacieux. « C’est beaucoup de sacrifices, mais cette liberté me pousse à l’exigence », affirme Yabdri. L’équipe est quasi exclusivement algérienne, renforçant l’ancrage national du projet. Seuls quelques techniciens américains sont intervenus pour l’éclairage des interviews.
Costumes d’époque, accessoires authentiques, tenues venues de Turquie, tout a été méticuleusement choisi pour offrir une immersion crédible dans le XIXe siècle. « Rien n’a été laissé au hasard », assure le réalisateur.

Une sortie attendue à l’automne 2025
La première projection est prévue en Algérie à l’automne 2025, avant une tournée internationale en 2026, espérée dans de grands festivals. Le film, conçu pour le grand écran, entend transcender les frontières et offrir à l’Émir Abdelkader une reconnaissance mondiale à la hauteur de son héritage.
À travers ce projet, Mohamed Yabdri ne signe pas seulement une œuvre cinématographique. Il livre un message, une passerelle entre les peuples et les époques. Un rappel vibrant que l’histoire algérienne, loin d’être figée, continue d’inspirer, de rassembler et de faire réfléchir.