Un jeune homme sillonne Alger, seul, à bord de taxis collectifs. Il parle peu, écoute beaucoup. Il observe, rumine, note mentalement les détails, les silences, les absurdités de la ville et des hommes qui l’habitent. De ces trajets apparemment anodins naît Taxis, premier récit d’Aïmen Laïhem, une œuvre dense et délicate, couronnée cette année du Prix Mohammed Dib.
Publié en octobre 2023 aux éditions Barzakh, Taxis s’est rapidement imposé comme une voix singulière dans le paysage littéraire algérien contemporain. À travers les pérégrinations du narrateur, un jeune homme sans nom, informaticien désabusé, solitaire chronique, Aïmen Laïhem brosse le portrait d’Alger, une ville en pleine mutation, et d’une jeunesse en quête d’équilibre. À peine décrite, la capitale, devient un espace flou mais familier, chargé de tension, de poésie et d’ironie.
Des trajets anodins, fragments de la quête de soi
Le livre s’articule autour de courses quotidiennes en taxi, véritables instantanés de vie : conversations inattendues, silences qui en disent long, confessions échappées au détour d’un feu rouge. Le narrateur n’aime pas la vie qu’il mène, il la subit. Entre une mère autoritaire, une société étouffante, et des rêves d’ailleurs souvent avortés, il tente malgré tout de se comprendre à travers ce mouvement perpétuel entre intérieur et extérieur.
Le style de Laïhem, épuré et habité, retranscrit avec justesse le désenchantement d’une génération tiraillée entre l’exil et l’enracinement. Construite par bribes, la narration adopte un rythme proche de la confidence, ponctuée d’humour subtil et de sarcasme. On y perçoit une critique sociale sous-jacente, jamais frontale, mais toujours lucide.
Une voix prometteuse de la littérature algérienne
Le jury du prix Mohammed Dib a salué « une œuvre sobre, précise et empreinte d’une délicate ironie », qui interroge l’identité, l’exil et l’appartenance. À travers Taxis, Aïmen Laïhem rejoint la lignée de ces écrivains algériens qui, loin des grandes fresques historiques ou des discours manifestes, explorent l’intime pour mieux évoquer le collectif.
Dans un monde littéraire souvent saturé de fictions convenues, Taxis se distingue par sa sincérité, sa pudeur et sa finesse. Le roman donne à voir une société algérienne dans tous ses paradoxes : jeune et fatiguée, drôle et mélancolique, muette et bavarde.
Une rencontre à découvrir sur Dzdia
À l’occasion de cette distinction, Aïmen Laïhem a accordé une interview à Dzdia. Il y évoque sa surprise face à l’accueil de Taxis, et la joie d’être associé à Mohammed Dib : « Un immense honneur et une joie indéfinie. » Un échange à ne pas manquer pour découvrir la voix singulière d’un auteur discret et prometteur.