Algé’Rire a démarré fort ce week-end à l'Opéra d'Alger. Salle comble, danse Alaoui en ouverture, et déjà une ambiance bien installée. Une entrée en matière simple et maîtrisée, à l’image du festival, devenu en quelques années un rendez-vous clé de l’humour en Algérie.
Farid Chamekh, en maître de cérémonie, entre en scène avec aisance. Il s’adresse au public avec naturel, mêlant blagues à chaud et moments plus posés. D’emblée, il rappelle ce qui fait l’esprit d’Algé’Rire : une scène ouverte à tous les accents, à toutes les générations, à tous les regards.

Algé’Rire est un point de rencontre, un espace d’expression libre, une scène ouverte aux voix de tout le pays. Cette année, ils sont venus d’Algérie et de la diaspora, pour porter un humour pluriel, en phase avec les mutations sociales et les questions d’aujourd’hui.
Farid Chamekh rend un hommage aux Jeux Olympiques et à leurs valeurs, avec une ovation spontanée pour Imane, championne algérienne saluée comme une figure inspirante de la force des femmes algériennes. Ce moment fort, à la croisée du sport, du genre et de la fierté nationale, est ponctué par une punchline ciselée, marquant la transition vers la suite du spectacle.
S’ensuivent alors des artistes aussi talentueux que hilarants, qui incarnent cette scène nouvelle.

Algé’Rire : une scène où l’humour devient miroir et exutoire
Mouaddh Bennacer ouvre la séquence stand-up dans un style introspectif. Il aborde son rapport à la langue française, entre complexité, autodérision et fierté. Les jeux de mots fusent autour du mariage chaoui, des mœurs familiales, et même du rapport à la religion, traités avec justesse et sans complaisance. Chez lui, le stand-up devient à la fois exutoire personnel et miroir d’une société en mutation.

Première scène algérienne pour le binational Youness Hanifi, qui explore avec fraîcheur les tensions identitaires et culturelles, entre deux appartenances, deux rythmes.

Vient ensuite Farès Barket, rapidement sacré chouchou du public. Son aisance scénique et son sens de la répartie lui permettent de jouer sur les stéréotypes avec tendresse, misant sur une proximité spontanée avec la salle.

Ayoub Marceau, lui, aborde la question des identités binationales avec finesse et émotion. Son humour se construit dans les interstices de l’entre-deux cultures, mettant en lumière les petites fractures et les grandes réconciliations de cette réalité.

Puis c’est au tour de Juste Inès, dont le ton tranché et l’humour corrosif séduisent d’emblée. Inspirée par ses voyages, elle raconte, avec un sens rare du décalage et une subtilité bien dosée, des thèmes profonds comme la grossophobie, ou ses malentendus culturels.

Le Camerounais Charly Nyobe, installé en France, se produit pour la première fois en Algérie. À travers un humour universel, il navigue entre références à la politique camerounaise, observations sur la France, et anecdotes sur le foot. Ses « blagues à part » déclenchent autant de rires que de réflexions.

Merwane Benlazar ancre, lui, son sketch dans le quotidien : sa femme, sa grand-mère, la ville de ses parents, Remchi – autant de motifs familiers qui nourrissent un regard à la fois aiguisé et tendre. Il évoque avec émotion son expérience du stand-up, entre doutes, introspection et reconnaissance.

Et puis, enfin, le bouquet final. Abdelkader Secteur le plus attendu. Le vétéran. Celui qu’on ne présente plus. Il monte sur scène avec l’assurance de ceux qui ont quarante ans de carrière derrière eux. Son regard sur le cyberharcèlement, les moralisateurs de tout poil, et les dérives de notre époque est acide, drôle, mais toujours mesuré. Il parle du métier d’humoriste avec lucidité : celui d’un artisan du mot, qui, entre dérision et profondeur, capte les vibrations de son temps.
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Ce gala d’ouverture aura été à l’image du projet porté par Algé’Rire : un espace de respiration, de confrontation bienveillante, d’écoute et de plaisir. Portée par la pluralité des talents, des accents, des histoires, cette soirée illustre avec éclat l’émergence d’une scène humoristique algérienne, diverse, structurée et ambitieuse.
Une scène en devenir, mais déjà solidement ancrée, portée par des artistes qui, chacun à leur manière, redonnent au rire ses lettres de noblesse.