Entre darja et anglais, entre chaâbi et hip-hop, Meryem Saci érige son héritage en un langage sans frontières. Avec Journey, son nouvel album paru le 4 septembre dernier, elle entraîne l’auditeur dans un voyage mêlant sons et registres. La force de l’album tient notamment dans l’équilibre qu’il trace entre instruments organiques et textures numériques. Dans cette œuvre métissée, l’autrice-compositrice-interprète montréalaise d’origine algérienne, fusionne soul, R&B, trap (genre musical issu du hip-hop) et traditions nord-africaines, consolidant ainsi sa stature sur la scène musicale internationale.

Journey : Voyage entre traditions et modernités sonores
La force de Journey réside dans cette cohérence : malgré la diversité des registres, la direction artistique reste claire. Meryem revendique ses racines nord-africaines tout en s’inscrivant pleinement dans les sonorités actuelles de la scène internationale. Sa voix, riche et nuancée, évoque autant les grandes figures de la soul que l’énergie du rap. Elle ne cherche pas la perfection lisse, mais une sincérité brute où l’émotion reste au premier plan.
Au fil des morceaux, l’album se dessine comme une véritable cartographie de l’exil et de l’appartenance. C’est un récit musical où se croisent traditions algeriennes, héritage soul afro-américain et souffle du hip-hop. Une œuvre dense, hybride, personnelle, mais capable de parler à tous.
Une œuvre dense, hybride, personnelle, mais capable de parler à tous.
L’album s’ouvre avec Ya Ghazali, un prélude bâti sur le sampling d’un air de malouf emblématique Ya Hamami de M’hamed El Kourd (1895-1951), rendu populaire par Cheb Mami. Meryem Saci y insuffle une nouvelle vitalité en entremêlant à une polyrythmie urbaine. Sa voix, à la tessiture ample, oscille entre limpidité et rugosité, portant le morceau vers une dimension à la fois héritée et contemporaine.
Sur My Somebody, une base électronique minimaliste se mêle aux percussions, créant un équilibre subtil. Le chant, tour à tour affirmé et apaisé, porte une émotion juste et contenue. Avec Salama, troisième single, Meryem opte pour une approche plus directe : un rythme urbain entre R&B et hip-hop, soutenu par les percussions du talentueux Youcef Grim.
D’autres morceaux offrent de véritables expériences stylistiques. N’sanni introduit une guitare aux accents blues sahélien, qui dialogue avec une rythmique syncopée, créant une atmosphère à la fois touareg et américaine. Mama Algeria prend des allures de fête, convoquant percussions, chœurs et polyrythmies dans un hommage aux racines africaines. Avec Dabab, Meryem explore une esthétique inspirée du zenqaoui, revisitée par l’énergie du rap et l’esprit du hip-hop. Cela prend tout son sens lorsqu’on sait que le duo Djam & Ti Moh collaborent sur ce projet.
Meryem explore une esthétique inspirée du zenqaoui, revisitée par l’énergie du rap et l’esprit du hip-hop.
Un parcours à la croisée des mondes
Cet album s’éclaire davantage lorsqu’on revient sur le chemin de son autrice. Née à Alger, Meryem Saci grandit entourée de jazz, de chaâbi et de soul. Adolescente, elle quitte l’Algérie pour le Canada avec sa mère. Là-bas, elle affine son art et affirme une identité musicale plurielle. Chanteuse, autrice-compositrice et MC, elle débute au sein du collectif montréalais Nomadic Massive, connu pour ses prestations scéniques et ses tournées internationales.
Avec Journey, Meryem Saci franchit une nouvelle étape : celle d’une artiste qui assume pleinement sa place dans le paysage diasporique et mondial, tout en gardant un ancrage intime et authentique.