Entre musiques métissées, soul, funk, jazz des années 60 et influences puisées dans ses racines algériennes, Mourad Benhammou partage sa vision du jazz d’aujourd’hui. Avec son quintet, il mêle orgue, vibraphone et rythmes variés. Invité récemment à Tunis pour la première édition du Jazz It Festival, qui s’est tenue du 29 au 31 mai, ce batteur né en France de parents algériens revient sur un parcours singulier, ses projets, ses influences multiples et ce lien fort qu’il entretient avec l’Algérie.

Pouvez-vous vous présenter et expliquer le contexte de votre présence à Tunis ?
Je suis Mourad Benhammou, batteur de jazz, né en France de parents algériens originaires de Constantine et d’Oran. Je suis à Tunis pour participer à la première édition et non des moindres du Jazz It Festival, organisé par mon ami de longue date, Malek Lakhoua. Nous nous sommes rencontrés à Tabarka, il y a plus de vingt ans. Aujourd’hui, je suis très heureux de voir ce qu’il a construit pour le jazz en Tunisie, et fier de faire partie de cette aventure.
Quels sont vos projets musicaux récents ?
Je viens de sortir un nouvel album avec mon quintet Les Soulful Drums, intitulé Silk and Soul, produit par Jazz It Records, le label fondé par Malek Lakhoua. L’album a été réalisé avec le soutien de l’Institut Français de Tunisie (IFT) et l'enregistrement a été capté en live à l’Institut français de Tunis. J’ai créé ce quintet en 2019 avec l’envie de proposer un son original, autour d’une instrumentation singulière : orgue, vibraphone, saxophone, guitare et batterie.
Avant cela, j’ai dirigé pendant vingt ans Jazz Workers, un autre quintet avec lequel j’ai sorti trois albums sur le label français Black & Blue. Je suis fidèle en musique : développer un son de groupe demande du temps, de l’écoute et de la constance. Je pense déjà à un volume 2 avec Les Soulful Drums.
Quelles sont vos influences musicales ?
J’ai commencé la batterie en autodidacte, vers 14 ans. À l’époque, il n’y avait pas Internet, ni YouTube : il fallait chercher, creuser, aller « au charbon ». Je me suis formé à l’oreille, en écoutant des vinyles trouvés parfois en cachette, et en observant les anciens. J’ai tenté le conservatoire, mais je n’y suis resté que vingt minutes : le professeur ne m’a transmis ni chaleur humaine ni envie de faire de la musique. J’ai donc décidé d’apprendre seul.
Mes influences sont multiples : le jazz des années 1950-1960 bien sûr, mais également la soul, le funk et le rock britannique (Led Zeppelin, Deep Purple, David Bowie). Puis, il y a les musiques arabes, celles de Warda, d'Abdelwahab, de Farid El Atrache, d’Asmahane, sans oublier les musiques du « bled » ; elles m’accompagnent toujours, elles m’habitent. Parfois, dans le jazz, je retrouve des résonances de ces sons-là. Cette filiation est naturelle pour moi.
Comment choisissez-vous vos musiciens et collaborateurs ?
L’humain est primordial. Si l’entente est bonne sur le plan humain, la musique peut naître; sinon il faut passer à autre chose. Plusieurs membres de mon quintet actuel sont des musiciens avec qui j’ai déjà collaboré. David Sauzay (saxophone) faisait partie de mon précédent quintet. J’ai rencontré le vibraphoniste Nicholas Thomas et le guitariste Yoan Fernandez à Paris, lors de jam sessions ou de répétitions.
Quant à César Pastre, l’organiste, c’est un jeune musicien talentueux qui apporte une vraie énergie au groupe. Oscar Marchioni, avec qui je partageais un local de répétition à Belleville, m’a également rejoint. Ce sont des rencontres musicales, mais surtout humaines. Le langage commun se tisse dans la confiance.
Avez-vous des souvenirs marquants de votre expérience en Algérie ?
Oui, absolument. J’ai participé à plusieurs éditions du festival Dima Jazz à Constantine, de la toute première jusqu’en 2012. Ce sont des souvenirs précieux. J’aimerais aujourd’hui représenter une forme de jazz « du bled », une expression forgée par mon parcours, que je souhaiterais ramener en Algérie comme une restitution naturelle. Partager le fruit de mon travail avec mon pays d’origine est un vrai désir.
J’aimerais aujourd’hui représenter une forme de jazz « du bled »
Je suis prêt à répondre à toute invitation. Il est temps de mettre davantage en lumière les artistes algériens issus de la diaspora, qu’ils soient musiciens, danseurs ou comédiens. Il y a un véritable patrimoine artistique à faire rayonner.