“Levez la main ceux qui ont une place libre à côté d’eux, beaucoup de personnes attendent dehors”, lâche le programmateur du cinéma Saint-André des Arts, à guichets fermés, ce mardi 22 juillet. Posée en plein cœur du quartier Latin à Paris, cette mythique salle de cinéma réunissait amoureux du 7e Art et admirateurs de Frantz Fanon. Le célèbre psychiatre et penseur de référence sur le fait colonial, aurait eu 100 ans en ce mois de juillet 2025.
Militant actif pour l’indépendance de l’Algérie dont il devient même l’un des ambassadeurs officiels, c’est davantage son quotidien à l’hôpital psychiatrique de Blida qui est projeté sur les grands-écrans en France à compter de ce mercredi 23 juillet dans le film éponyme réalisé par le cinéaste algérien Abdenour Zahzah.

« Il est devenu célèbre par ses textes et on a souvent oublié sa vocation ! C’était d’abord un psychiatre. Ce que je voulais montrer dans le film, c’est que le contact de Fanon avec les Algériens a commencé à la base, avec des patients, des infirmiers… Avec le peuple ! C’est ça que je voulais mettre en avant dans ce film », témoigne le réalisateur algérien Abdenour Zahzah.
70 ans après, Fanon “reste une urgence”
Une plongée presque en huis clos de près d’une heure et demie au cœur du travail du médecin martiniquais dans l’immense hôpital psychiatrique de Blida-Joinville. Une histoire de la colonisation et du monde psychiatrique marquée également par l’explosion incontrôlable de la guerre d’indépendance.
« Comment Fanon, l’homme noir qui a subit le racisme et écrit Peau noire, masques blancs, passe au ‘Nous Algériens’, ‘Nous les Damnés de la Terre’, ‘Nous les colonisés’ : tout ça en l’espace de trois ans (le film se concentre sur la période 1953-1956 NDLR.). Qu’est ce qui s’est passé ? C’est ce que j’ai essayé de mettre en scène », lâche Zahzah.
“On ne peut pas faire jouer des Algériens par des Français”, tance Zahzah, conscient du passé lourd de la colonisation dans son travail.
Déjà sorti en Algérie fin novembre 2024, le film Frantz Fanon, entame tout juste sa conquête du marché français. De quoi toucher un nouveau public, au-delà de la diaspora algérienne bien installée en Hexagone, et susciter l’intérêt d’un public français plus large, curieux de découvrir l’histoire méconnue de Fanon en Algérie.. «Cette histoire me semblait importante à raconter d’abord pour les Algériens. Pour qu’ils comprennent leurs maux et leurs blessures. Selon Fanon, il y a malheureusement des blessures qui restent indélébiles, qui restent des dizaines et des dizaines d’années après une colonisation et une guerre coloniale… On n’en sort pas indemne », témoigne le réalisateur qui est devenu en l’espace d’une vingtaine d’années, rythmées par ses recherches, presque un spécialiste de Fanon.
Une histoire algérienne qui parle au monde puisque la pensée décoloniale du psychiatre ne cesse de trouver un écho “aujourd’hui, en 2025”, insiste l’historien Amzat Boukari-Yabara, auteur de plusieurs ouvrages sur le panafricanisme. « Sa pensée est importante car c’est une pensée de victoire, de résistance face au racisme et au colonialisme. Fanon est une urgence de tous les jours ». Des enseignements qui auront marqué la projection-débat au cinéma Saint-André des Arts - organisée par le forum France-Algérie - où les parallèles à la question palestinienne et gazaouie n’ont cessé d’être faits.