Par une journaliste attentive et amusée
Sur une plage algéroise écrasée de soleil, les esprits s’échauffent dès les premières heures du jour. Deux familles débarquent, déterminées à s’approprier la meilleure place : celle qui offre la vue sur mer… et un certain prestige. Ce point de départ, à la fois simple et universel, devient, dans Première Ligne, le nouveau film de Merzak Allouache, le théâtre d’une comédie humaine grinçante, où se croisent conflits de voisinage (de parasols), amour naissant, hypocrisies sociales et absurdités du quotidien, des situations tellement vécues au quotidien.
Sous ses airs de chronique estivale, Première Ligne s’amuse à observer comment une journée à la plage peut faire ressortir les petites crispations du vivre-ensemble. Avec un sens du détail savoureux et un humour qui n’appuie jamais trop fort, Allouache donne à l’anodin des airs de mini-épopée balnéaire, où s'entrelacent s’entrelacent quiproquos, rivalités ordinaires et débordements impromptus. Une œuvre en équilibre, qui fait sourire sans simplifier, et qui trouve sa force dans le naturel des situations comme dans la justesse des interactions.
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Une plage, deux familles, mille tensions
Tout commence sur le sable d’El Djamila (ex-La Madrague), décor emblématique de la baie ouest d’Alger. D’un côté, les Bouderbala, menés par Zohra, figure maternelle charismatique, et ses cinq enfants. De l’autre, les Kadouri, un couple en apparence bien installé, accompagné d’une grand-mère en fauteuil roulant et de deux adolescents. Le point de friction ? Une place convoitée à l’ombre d’un parasol, obtenue grâce à la complicité discrète de deux plagistes corrompus, incarnés avec justesse par Brahim Derris et Nabil Asli.
Ce qui aurait pu rester une simple querelle de plage glisse peu à peu vers un micro-drame social où chacun campe sur ses positions avec une énergie parfois absurde. En une journée condensée, défilent cris, tensions, petits arrangements et même un passage par le commissariat. Le film trouve son rythme dans cette montée en intensité, misant sur une comédie bien dosée, plus lucide que moqueuse, qui préfère l’ironie douce à la caricature.
Entre satire et douceur estivale
Au cœur de cette agitation, une romance discrète vient adoucir l’atmosphère : Souhila et Rayan, deux jeunes aux aspirations contrastées, tentent de s’aimer malgré les pressions familiales et sociales. Leur relation, à la fois pudique et incertaine, illustre la fragilité des liens dans une société tiraillée entre tradition et désir d’émancipation. L’exil, menace en toile de fond, donne à leur histoire une tonalité douce-amère.
Un casting de choix pour une fresque sociale colorée
Première Ligne réunit un casting riche et talentueux, avec des noms forts du cinéma algérien comme Nabil Asli, Fatiha Ouared, Hanaa Mansour, Hichem Mesbah, Idir Banaibouche, Bouchra Roy, Kader Affak, Brahim Derris, Aïda Guechoud, Rachid Benallal, Mehdi Saadi, Hawa Baya, Lylia Abdelouaheb, Sohaib Guermoud, ou encore Islem Baaziz. Grâce à la richesse de ses interprètes, le film donne vie à une fresque vivante où rivalités, solidarités et instants de douceur se mêlent dans l’ambiance chaleureuse et authentique des plages algériennes.
Une comédie algérienne qui trouve sa voie
Première Ligne s’inscrit dans la continuité du cinéma algérien qui aime observer les frictions du quotidien. Pour sa première incursion dans une comédie familiale contemporaine, Merzak Allouache livre un film ancré dans le réel, à la fois accessible et bien construit, qui transpose des situations locales en un regard sensible et nuancé.
La mise en scène explore avec efficacité les contradictions de la société algérienne, entre solidarités fragiles, débrouille collective et tensions ordinaires. Le tout sur fond d’été et de plage, dans un décor vivant : parasols bariolés, repas partagés sur le sable, enfants courant après un ballon. Le rythme reste soutenu, sans excès, porté par une galerie de personnages bien campés.
Un accueil prometteur, de l’international au public local
Produit en coproduction algéro-française et soutenu par le Fond d'aide du ministère de la culture algerien, Première Ligne a connu un joli parcours à l’étranger : sélectionné au prestigieux TIFF (Toronto International Film Festival), présenté en gala au Festival Red Sea de Djeddah, où Allouache a reçu un prix hommage, et chaleureusement accueilli aux Journées Cinématographiques de Carthage. Le film a également suscité un vif enthousiasme lors de sa projection du 31 mai à Alger. Cette séance, avec une salle bondée, a confirmé l’attente du public local, signe d’un véritable intérêt pour cette comédie sociale au ton à la fois juste et accessible.
À voir depuis le 7 juin dans les cinémas algériens