La ville de Saïda a vécu au rythme des mots et des images au féminin à l’occasion de la huitième édition du Festival National de la Littérature et du Cinéma de la Femme, qui s’est tenue du 26 au 30 mai. Un événement culturel d’envergure nationale qui, bien au-delà de ses projections et de ses rencontres, affirme la volonté de faire émerger des voix féminines singulières dans les champs littéraire et cinématographique.
Placée sous le signe fédérateur « Littérature et cinéma de la femme… Avançons ensemble », cette édition a rassemblé des professionnel·les du secteur et un public local particulièrement réceptif. Une programmation éclectique a jalonné le festival : projections de films, tables rondes, hommages, lectures et ateliers ont ponctué ces cinq jours d’effervescence.
« Il est grand temps de donner plus de place aux voix féminines » Nabila Rezaig, présidente du jury
Nabila Rezaig estime que, sur le plan littéraire, la femme occupe une place de choix. En revanche, dans la programmation cinématographique, si tous les films présentés ont été réalisés par des hommes, les sujets traitaient principalement de femmes. Ce décalage soulève une vraie question sur la portée et l’importance des voix que l’on choisit d’entendre.
« Cependant, tout festival, quel qu’il soit, est d’une importance capitale. Avoir un événement de cette envergure dans notre paysage culturel est fondamental. Il faut absolument multiplier les initiatives locales, car nous avons un besoin urgent de reconquérir notre public, à travers l’image, le son, et en renouant avec notre tradition de voir les films ensemble et d’en débattre. Voilà pourquoi ce festival est essentiel. Il est grand temps de donner plus de place aux voix féminines. » a déclaré Nabila Rezaig à Dzdia.
Un concours de nouvelles pour révéler les talents émergents
Parmi les temps forts de cette édition, le concours de la nouvelle a mis en lumière la vitalité de l’écriture au féminin, avec la participation de jeunes autrices en arabe et en français. Le Prix de la Nouvelle a été attribué à Nour El Houda Hattab Hajar pour son texte « Les ailes des cendres », un récit symbolique empreint de profondeur et de résonance patrimoniale. Au-delà de la récompense, ce concours illustre la volonté du festival de soutenir l’émergence de nouvelles plumes et d’accompagner les jeunes talents, comme le rappelle Karim Mouley, commissaire du festival :
« En amont du festival, nous avons procédé à un accompagnement des jeunes écrivaines. Les textes, d’environ 4000 mots, rédigés en français ou en arabe, ont été soumis à un jury attentif. La jeune lauréate verra son texte édité par les éditions Icosium. »
Parallèlement, une table ronde dédiée au « Cinéma de la femme : état des lieux et perspectives » a permis aux invité·es de débattre de la situation des femmes cinéastes en Algérie. Les discussions ont mis en lumière un constat récurrent : une carence manifeste de réalisatrices, un déséquilibre structurel que ce festival tente précisément de combler en valorisant des œuvres nouvelles, portées par des femmes et centrées sur des sujets féminins, explique Karim Mouley.
Une programmation riche entre projections, hommages et ateliers
Côté écran, plusieurs projections ont marqué cette édition, parmi lesquelles le long-métrage El Saff el Awal - La Première Ligne de Merzak Allouache (hors compétition), le court-métrage L’Avion jaune de Hadjar Sbata, ou encore le documentaire Les Hommes libres de Tagzout Ghazali.
Le thriller dramatique Terre de la vengeance d’Anis Djaâd a remporté le Kholkhal d’or du meilleur long-métrage. Le jury, présidé par Nabila Rezaïg, avec Nadia Kebbout et Amina Salem Castaing, a salué la force émotionnelle du film et la justesse de son interprétation.
Un hommage posthume a également été rendu au regretté cinéaste Moussa Haddad pour son film Boualem Zaid El Qadam, saluant ainsi l’une des figures majeures du cinéma algérien.

Un festival proche du public et tourné vers l’avenir
Le public de Saïda, venu en nombre, a été salué pour son enthousiasme et sa réceptivité. Cette adhésion populaire constitue un atout précieux pour un festival qui se veut proche des citoyen·nes et éloigné des logiques de prestige factice.
Alors que l’appel à une internationalisation du festival se fait de plus en plus pressant, cette manifestation culturelle mérite aujourd’hui un soutien renforcé des institutions, afin d’amplifier sa portée et d’élargir son rayonnement.
« Ce n’est pas un festival bling-bling, c’est un espace pour présenter ses œuvres, partager des regards, construire des passerelles. La particularité de ce festival est justement de ramener des films récents qui traitent de sujets féminins, dans des formes variées. Nous sommes à la 8ᵉ édition, il est temps de l’internationaliser. Cela demande des efforts, de la persévérance, et surtout des moyens. C’est aux autorités et au ministère de se mobiliser. » Karim Mouley
À travers cette 8ᵉ édition, le Festival de la littérature et du cinéma de la femme de Saïda réaffirme sa vocation. Il entend offrir une tribune aux créatrices, interroger les imaginaires, et écrire en lettres de lumière et d’encre les récits féminins de l’Algérie contemporaine.