Le dimanche 4 mai dernier, le cinéma TV Garden City d'Alger a accueilli la présentation du film en devenir El Zahia (Alger, 1926), en présence de ses réalisateurs Adila Bendimerad et Damien Ounouri, ainsi que de Nabil Asli (acteur) et le producteur Yacine Laloui ( Lunja Production). Comme l'a souligné ce dernier, cet événement fut une opportunité cruciale de réseautage pour lever les fonds nécessaires à la concrétisation de ce projet.
Le synopsis dévoile une intrigue captivante : « Alger, 1926. La police française vient arrêter sur scène l’actrice de théâtre Ghazala, musulmane « indigène », qui s’est fait passer pour une européenne afin de décrocher le rôle d’Andromaque à l’Opéra d’Alger. Ghazala leur échappe, mais dès lors, elle ne cesse de courir. Elle croise le parcours de figures emblématiques de son époque, dont le jeune metteur en scène Allalou, fondateur de Zahia Troupe, qui marque l’avènement du théâtre algérien populaire, qu’elle rejoint pour devenir la première actrice algérienne de l’Histoire.»
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Le film nous transporte au cœur d'une période charnière de l'histoire algérienne. Celle d'Alger des années 1920, une ville sous le joug de l'oppression coloniale, mais où les prémices d'un sentiment nationaliste se font jour avec force. C'est dans un contexte historique marqué par les revendications croissantes des Algériens après la Première Guerre mondiale et l'influence de figures emblématiques comme l'Émir Khaled et Messali El Hadj que se déploie l'histoire captivante de Ghazala. L'apparition publique du mot "indépendance" et la création de l'Étoile Nord-Africaine témoignent de cet éveil.
Cette époque est également significative car elle précède de peu le centenaire de la présence française et l'Exposition coloniale, un événement que certains artistes, à l'instar de Allalou, choisiront de boycotter en signe de résistance. « Peu d'informations nous sont parvenues. Sur Ghazala. L'unique photo et brève mention de Razala, comme étant la première actrice algérienne, figurent dans le livre L'Aurore du théâtre algérien (1926-1932) d'Ali Sellali dit Allalou (réédition Alger, APIC, 2011). Il est essentiel de rendre visibles ces femmes artistes pionnières occultées, souvent réduites à leurs prénoms, à l'instar d'Amina, de Farida et de Keltoum. », explique Adila Bendimerad.
« La figure de Ghazala est un écho de nous, les femmes comédiennes d'aujourd'hui. Je m'y identifie. » Adila Bendimerad
Le film ambitionne d'explorer en profondeur les thèmes de l'identité, de la résistance et de la genèse du théâtre algérien sous le joug colonial. À travers le destin poignant de Ghazala, il offre une perspective inédite sur la condition des Algériens de cette époque, et plus particulièrement sur celle des femmes artistes confrontées à la double oppression du genre et du colonialisme.
Ces parcours de femmes, hier comme aujourd'hui, résonnent avec une acuité particulière face aux enjeux contemporains liés à l'identité, à la liberté d'expression et à la lutte contre toute forme de discrimination. Ce parallèle avec les combats actuels, y compris ceux qui se déroulent en Palestine occupée, a été souligné avec force par l'équipe du film lors de sa présentation.
Bien plus qu'une simple reconstitution historique, El Zahia porte l'ambition de raviver une mémoire collective souvent occultée, de mettre en lumière les prémices d'une expression artistique algérienne autonome et résiliente. Ce film en devenir, porteur d'une histoire essentielle et universelle, cherche aujourd'hui à mobiliser les soutiens nécessaires pour que cette voix du passé puisse enfin résonner sur nos écrans.