Chaque lundi, le restaurent l’Étalon troque sa carte et ses couverts pour une scène et un micro. Le Talents Comedy Club s’y installe en douceur, offrant un espace d’expression libre à une génération d’humoristes algériens en quête de voix, de rythme et de public.
Depuis trois mois, cette scène hebdomadaire ouverte s’impose comme un véritable laboratoire du stand-up local. Invitée par Khaled Benaïssa, acteur et l’un des stand upper , l’équipe de Dzdia a assisté à l’une de ces soirées où l’humour devient un terrain d’essai pour dire tout haut ce qui traverse la société. Une atmosphère en effervescence.
Un vivier de talents, une parole débridée
Le lundi 8 juillet, la programmation donnait la pleine mesure de cette dynamique. Farès Barket ouvre le bal avec un humour incisif : il évoque les Bonois, la Harga, le mauvais œil, et tacle la virilité dans ses formes les plus caricaturales.
Khaled Benaïssa, figure du cinéma algérien, retrouve ici une scène plus directe, plus frontale. Il mêle interaction avec le public et autodérision, dans un exercice sincère où il évoque son retour différé à un rêve ancien :
« Le stand-up, c’est un rêve de gosse. J’ai fait de la télé, du cinéma… mais toujours en attendant la scène. Ce moment-là, je l’ai attendu 25 ans.On a fait Algiers courir, maintenant on fait Algé’rire. » Khaled Benaissa
La soirée se poursuit avec Moha DZ, qui enchaîne avec un numéro à la fois tendre et brutal, décrivant l’amour à l’algérienne et ses masculinités fragiles.Yasmine Bouchene, seule femme de la soirée, prend à bras-le-corps les rapports hommes-femmes et les non-dits du mariage algérien. Avec une ironie mordante, elle dénonce une société « schizophrène » qui conjugue patriarcat et hypocrisie.
Mouaadh Bennaceur joue la carte de l’humour noir. Il évoque sans détour une enfance cabossée, les fractures régionales et des sujets sensibles comme la religion.
Enfin, Samy Gougam livre un stand-up corrosif mais profondément engagé. Il aborde le harcèlement, le sexisme, les disparités sociales, avec une force oratoire qui laisse peu de spectateurs indifférents.
Autant de voix singulières, incarnées, qui dessinent une Algérie réelle, vibrante, critique et surtout, drôle.

L’humour, une affaire sérieuse en Algérie
Le Talons Comedy Club est bien plus qu’un simple rendez-vous du rire. Il représente le ferment d’une scène à structurer, le point de départ d’une industrie humoristique à inventer. En Algérie, le stand-up reste encore peu soutenu par les circuits institutionnels, mais le public, lui, est présent, curieux et enthousiaste.
À travers ce projet, c’est toute une stratégie de long terme qui prend forme : professionnaliser la scène humoristique algérienne, en créant un écosystème cohérent où artistes, lieux, producteurs et festivals coopèrent. Le Talons Comedy Club s’inscrit dans une démarche professionnelle élargie, aux côtés d’initiatives telles que le collectif 28 Comedy Club à Artissimo (Alger) ou encore Al9ante (le Coin) à Oran. Ces plateformes participent activement à la structuration de la scène stand-up en Algérie.
Le Festival Algé’Rire, quant à lui, agit comme catalyseur de cette nouvelle vague. Grâce à cette synergie, le collectif montera sur la prestigieuse scène du Théâtre National Algérien (TNA) le 19 juillet à 20h30, dans le cadre de la 7e édition du festival. Ce spectacle est conçu dans une logique exigeante : inter-sketchs, écriture collective, cohérence scénographique, encadrement artistique et mise en scène professionnelle. L’objectif : faire reconnaître l’humour comme une discipline artistique à part entière, enracinée dans les réalités sociales du pays.