Le musicien et animateur de radio Khaled Louma est décédé dimanche soir à Alger, à l’âge de 70 ans. Figure majeure du rock algérien et voix emblématique de la Radio Chaîne 3, il laisse derrière lui une carrière qui a marqué plusieurs générations de mélomanes.
Un rockeur algérien aux influences multiples
Né en 1955 à Hadjout, Khaled Louma se passionne très tôt pour la musique. Dans les années 1970, il rejoint des groupes amateurs comme les Icosiums avant de fonder, avec des camarades de la cité universitaire de Ben Aknoun, le groupe T34. Le nom du collectif est un clin d’œil à leur chambre d’étudiants… mais aussi au mythique char russe T-34, symbole de résistance.
Sur scène, Khaled Louma et ses compagnons osent un mélange inédit : des sonorités rock inspirées de la scène anglo-saxonne, mariées aux rythmes du jazz, du funk, du disco et même du chaâbi. Des titres comme Boualem el far, Chi ness, Jamais doukh ou Ma dir walou s’imposent rapidement comme des hymnes générationnels. Dans une Algérie avide de modernité, le groupe devient une référence pour les amateurs de rock local.
Marié à l’ancienne journaliste Naïma Tazir, avec laquelle il a eu une fille, Khaled Louma s’était fait plus rare ces dernières années, en raison de problèmes de santé. Ses apparitions publiques s’étaient espacées, mais son souvenir demeurait vivant à travers ses chansons et ses émissions.
Une voix familière sur les ondes
Au-delà de la scène, Khaled Louma a su conquérir un autre public : celui de la radio. Pendant plus de quarante ans, il a animé et produit des émissions musicales sur la Chaîne 3 de la Radio nationale. Avec des programmes comme Contact, Balek le rock ou plus récemment Vibrato, il a ouvert les ondes aux sonorités modernes, offrant à ses auditeurs une fenêtre sur la musique du monde tout en valorisant la créativité locale.
Son timbre chaleureux, sa spontanéité et sa passion communicative en ont fait une figure incontournable de l’antenne. Pour beaucoup, Khaled Louma n’était pas seulement une voix : il était un compagnon de route, présent au quotidien à travers les ondes.

Une carrière saluée par ses pairs
La nouvelle de sa disparition a suscité une vive émotion dans le milieu culturel et médiatique. La Présidence de la République a salué «une brillante carrière à la radio algérienne», rappelant son rôle dans la transmission du goût musical et artistique auprès du public. Le président de l’Assemblée populaire nationale, Brahim Boughali, a également rendu hommage à «un journaliste et artiste de renom», figure emblématique de la Radio Chaîne 3.
Ses anciens collègues de la radio ont eux aussi partagé leur chagrin. Aziz Farès, ancien de la Radio Chaîne 3 se souvient d’un moment marquant : «J’étais dans le train entre Montréal et Québec, et j’écoutais la Radio Chaîne 3 sur internet. Khaled Louma était à l’antenne et je lui ai envoyé un message pour le saluer. Quelques minutes plus tard, il a dit au micro : “j’ai reçu un message de Aziz Farès qui est au Canada” et il m’a dédié toute l’émission. L’émotion était telle que j’en pleure encore. À bientôt Khaled. Ce n’est qu’une éclipse, tu brilleras toujours.»
La journaliste Nacera Medjadel a, quant à elle, insisté sur l’humanité de son ancien collègue : «Khaled Louma nous quitte dans la discrétion. Il incarnait la gentillesse, l’humilité et la générosité. Un artiste d’une sensibilité à fleur de peau. Khaled était The Voice, un timbre particulier qui a fait vibrer les ondes d’une chaîne qu’il affectionnait : la Radio Chaîne 3. Avec sa disparition, c’est un peu de nous qu’il emporte. La fin d’une époque. Que sa belle âme repose en paix.»
Enfin, Maya Zerrouki Bendimerad, fondatrice de Dzdia et ex-collègue, a choisi de reprendre le titre d’une de ses chansons pour résumer son ressenti : «Jamais Doukh Khaled Louma. Tu as été le rockeur qui a inspiré tant de groupes à travers T34. Rock dialna, et la Radio Chaîne 3.»
De son côté, l’auteur-compositeur Karim Albert Kook a rendu hommage à l’artiste : «Un grand artiste, une personnalité haute en couleurs, un éclaireur de conscience, un swinger, un rockeur s’est envolé hier dans le ciel d’Alger ! La scène rock est orpheline d’un de ses plus grands contributeurs… Khaled Louma, où que tu sois, ton icône est inscrite dans la mémoire collective d’une révolution porteuse d’espoir. Désormais tu es éternel !»
Un dernier adieu
Khaled Louma sera inhumé lundi au cimetière d’Oued Terfa, entre Draria et El Achour, après la prière du Dohr. Avec sa disparition, l’Algérie perd non seulement un pionnier du rock, mais aussi une voix familière, qui aura accompagné des générations d’auditeurs et inspiré de nombreux artistes. Son héritage musical et radiophonique continue de résonner, rappelant le parcours d’un homme qui aura su marier modernité et identité, et transmettre à travers chaque note et chaque mot, sa passion inébranlable pour l’art.