À travers son objectif, Samir Djama documente l’Algérie comme un grand livre d’images. Depuis plus de quarante ans, le photographe et éditeur saisit les gestes du quotidien, les visages discrets, les objets porteurs de mémoire. Son exposition Empreintes et Racines propose un parcours visuel à la fois intime et collectif, révélant une Algérie riche de détails, de silences et de transmissions.
Né dans l’univers de la photographie argentique, initié dès son plus jeune âge à l’art, Samir Djama a très tôt développé une sensibilité artistique nourrie de rigueur technique. Photographe de terrain mais aussi directeur de la maison d’édition Colorset, il documente depuis des années les traditions matérielles et immatérielles algériennes, dans une démarche à la fois esthétique, éditoriale et patrimoniale. Sa maîtrise de la chaîne graphique lui permet de porter un regard cohérent et maîtrisé sur l’ensemble du processus, de la prise de vue à la publication.
Accueillie dans l’espace culturel du groupe In-tuition, l’exposition Empreintes et Racines rend hommage aux traditions séculaires, aux objets du quotidien sublimés, aux figures discrètes de la mémoire populaire. « Chaque photographie est une trace, un témoignage, une racine ancrée dans notre terre. Un voyage où l’image devient langage, et où chaque regard est une rencontre », explique l’artiste. Des silhouettes en haïk dans la Casbah d’Alger aux postures solennelles des cavaliers de la Fantasia, en passant par les motifs ancestraux de la poterie, Djama saisit des fragments vivants d’une histoire commune. Son regard, à la fois documentaire et poétique, fige des instants que le temps menace d’effacer.

Certaines œuvres racontent une histoire intime. Parmi elles, une série dédiée à des poteries berbères reçues en cadeau lors de sa crémaillère. Cinquante pièces, qu’il a nettoyées et photographiées avec soin, en les abordant comme des personnages, posant « comme les membres d’une même famille, un peu à la manière des photos de famille des années 1970. » Une trentaine de ces poteries sont toujours conservées chez lui.
Cette exposition est le fruit d’un travail de commissariat de l’entrepreneure culturelle Beya Benamane, fondatrice de Djazair Culture, une initiative engagée dans la valorisation et la transmission du patrimoine algérien. Pour elle, Empreintes et Racines est bien plus qu’un accrochage : « Beaucoup de visiteurs ont exprimé leur joie de découvrir une exposition dans un lieu différent des galeries traditionnelles. L’idée est aussi de toucher un public jeune, curieux, parfois éloigné des circuits artistiques classiques. » Elle souligne l’importance de cette collaboration :
« Travailler avec Samir Djama a été une chance. Son expérience, sa vision du patrimoine, sa capacité à structurer un projet visuel ont été déterminantes. »
L’exposition se distingue aussi par l’introduction d’une innovation : six œuvres revisitées à l’aide d’outils d’intelligence artificielle. L’exercice ne consiste pas à générer des images inédites, mais à proposer une réinterprétation picturale de clichés existants. Les résultats offrent un rendu proche de la peinture, une lecture plus onirique et expérimentale de certaines scènes. Pour Djama, il s’agit d’un geste de curiosité artistique, une manière d’explorer les potentialités de ces outils contemporains sans trahir l’authenticité du sujet. « L’IA ne remplace pas le regard, elle peut parfois enrichir la perception. C’est un outil parmi d’autres, au service de la création. L’IA ne remplace pas l’artiste », précise-t-il, répondant ainsi à une remarque formulée lors du vernissage.
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Pour M. Chaib, cofondateur du groupe In-tuition, l’accueil de cette exposition s’inscrit dans une logique d’engagement sociétal : « Depuis 2003, nous avons évolué de la formation linguistique vers les compétences transversales, et désormais vers l’art et la culture. Nos espaces sont ouverts aux artistes émergents ou confirmés. L’idée est de favoriser l’expression, la visibilité, l’échange. »
Empreintes et Racines n’est pas qu’une exposition photographique. C’est un acte de transmission. Relier les traces aux racines, les formes aux récits, les images aux regards. Dans le geste de Djama, l’image devient mémoire, et la mémoire, un pont entre les générations. L'exposition est visible jusqu'au 15 septembre.