Du 16 octobre au 8 novembre 2025, l’artiste franco-algérienne Dalila Dalléas Bouzar est mise à l’honneur par la Galerie Hamid Khellafi, avec une exposition autour du corps, le sien, et celui des autres.
Une peinture habitée par le corps
Peintre et performeuse, l’artiste ne dissocie jamais la forme du sens. Elle présente une série d'œuvres récentes, où les figures féminines prennent le pouvoir sur le regard.
« L’exposition est entièrement composée de peintures. Tout est parti d’un portrait d’une femme, Julie, une poétesse qui m’a proposé de poser. Je voulais la représenter comme écrivaine, nue, avec son carnet et une machette. »
La machette, traverse les corps comme un symbole : arme et prolongement, elle dit à la fois la fragilité et la défense.
« C’est ma vision des femmes comme guerrières. Guerrières armées. »

De Delacroix à Gaza : le corps comme territoire
Au sein de l’exposition, Dalila revisite le célèbre tableau d’Eugène Delacroix.
Ici, le regard change de camp : les femmes ne sont plus objets d’exotisme, mais sujets de leur propre histoire.
Son geste pictural, nourri de l’héritage classique, devient un acte de réappropriation.
« J’aime les grands peintres classiques : Le Caravage, Delacroix, Corot, Fragonard. Mais mes couleurs viennent de l’Algérie. J’ai un rapport très libre à la couleur, c’est ma culture qui me l’a transmis. »
Parmi les œuvres exposées, un grand format représente une baigneuse accompagnée d’un poème de Mahmoud Darwich.
« Je voulais parler de Gaza, pas d’une manière frontale, mais pour moi c’était important que ce soit présent dans l’exposition. »
L’autoportrait comme apprentissage et affirmation
Depuis ses débuts, l’artiste se peint elle-même.
« L’autoportrait n’est pas un geste narcissique. C’est parce que je peins d’après modèle, et le modèle le plus disponible, c’est moi. C’est comme ça que j’ai appris à peindre. »
Cette pratique, à la fois introspective et politique, s’impose comme une manière d’exister dans l’histoire de l’art, là où les femmes peintres ont longtemps été effacées.
Chez elle, se représenter, c’est prendre place. La toile devient espace d’émancipation et de présence.
Une peinture enracinée, un regard tourné vers l’Algérie
Si son travail dialogue avec les maîtres européens, ses couleurs, ses formes et son regard portent une lumière algérienne.
« L’inspiration me vient beaucoup de mon pays. Dans le dessin, je travaillais en noir et blanc, mais la couleur est arrivée avec ma culture, avec ce que j’ai vu, ce que j’ai vécu. »
Interrogée sur une éventuelle exposition en Algérie, elle répond avec sincérité :
« Je n’ai pas encore reçu de proposition, mais j’aimerais beaucoup exposer là-bas. Je suis ouverte à toutes les invitations. »
« L’autoportrait n’est pas un miroir, c’est une arme. »
Avec « Jamais les crépuscules ne vaincront les aurores » , Dalila Dalléas Bouzar poursuit son dialogue avec l’histoire de l’art et avec elle-même.
En peignant les femmes comme des figures de savoir, de lutte et de désir, elle rend à la peinture sa force première : celle de révéler ce que le monde oublie de regarder.
À Paris, Hamid Khellafi poursuit son engagement en faveur de la scène picturale algérienne. Tout au long de l’année, il met en lumière des artistes comme Adlane Samet, Mehdi Djalil, Sadek Rahim, Maya Inès Touam et, durant tout un mois, Dalila Dalléas Bouzar.
Le galeriste a également pris part à AKAA (Also Known As Africa) 2025, la grande foire d’art contemporain africain à Paris, où il a présenté deux toiles de l’artiste, marquant une première remarquable pour une peintre algérienne mise à l’honneur à ce niveau.